C’est le plat réconfortant par excellence, celui qui réunit famille et amis autour d’une table généreuse. La tartiflette, née dans les années 1980 mais inspirée du traditionnel “péla” savoyard, est une célébration du terroir : pommes de terre fondantes, lardons fumés, oignons dorés et reblochon coulant. Pourtant, derrière sa simplicité apparente, se cache un véritable savoir-faire. Les cuisiniers de Haute-Savoie s’accordent à dire que la réussite de la tartiflette ne dépend pas seulement des ingrédients, mais surtout d’un tour de main bien précis : la façon de traiter le reblochon avant la cuisson.
Pour une tartiflette digne des chalets de montagne, impossible de tricher sur le fromage. Oubliez les “reblochons de Savoie” industriels : préférez un reblochon fermier, reconnaissable à sa pastille verte, fabriqué au lait cru. Il offre une croûte plus parfumée et une pâte plus fondante à la cuisson.
Le geste clé ? Ne jamais retirer complètement la croûte. C’est elle qui, en fondant, apporte cette note de noisette typique et une texture crémeuse à souhait. Les Savoyards ont aussi une astuce : couper le reblochon en deux dans l’épaisseur et déposer une moitié (croûte vers le haut) en milieu de cuisson, et l’autre en fin de gratinage pour une fonte parfaite et un dessus bien doré.
La réussite d’une tartiflette tient à l’équilibre. Les pommes de terre doivent être fondantes sans se transformer en purée. Choisissez une variété ferme comme la Charlotte ou la Pompadour, que vous ferez revenir à la poêle après les avoir cuites à la vapeur. Les oignons et les lardons doivent être légèrement caramélisés pour libérer leurs sucs sans brûler.
L’autre secret savoyard : déglacer la poêle avec un trait de vin blanc sec (Apremont ou Roussette de Savoie) avant d’ajouter la crème. Cela apporte une légère acidité qui équilibre la richesse du fromage.
Avant d’enfourner, les montagnards ont un rituel : entailler la croûte du reblochon en croisillons. Cette astuce permet à la chaleur de bien pénétrer et au fromage de se répartir harmonieusement sur l’ensemble du plat. Certains chefs savoyards, comme Jean Sulpice à Val Thorens, conseillent même de laisser reposer la tartiflette quelques minutes après cuisson, afin que le fromage se stabilise et nappe parfaitement les pommes de terre.
Si la version traditionnelle reste intouchable pour les puristes, les cuisiniers d’altitude aiment revisiter la recette avec des ingrédients de saison : une tartiflette aux cèpes, une version fumée au diot, ou encore une version végétarienne à base de poireaux et de champignons. Ces déclinaisons conservent l’esprit montagnard, à condition de ne jamais oublier l’élément central : le reblochon.
La vraie tartiflette savoyarde ne se résume pas à une simple recette : c’est un geste, une tradition, une transmission. Et ce geste, c’est celui qui respecte le reblochon, sa croûte, sa coupe et sa cuisson. C’est lui qui transforme un gratin de pommes de terre en un plat de montagne plein de caractère.
2025-11-01T16:14:59Z