« PIEPERGATE » : URSULA VON DER LEYEN SUBIT UN NOUVEL AFFRONT

Encore une mauvaise histoire pour Ursula von der Leyen, dont la campagne électorale pour un second mandat commence bien mal. Après l'Américaine Scott Morton, qui avait renoncé au poste de chef économiste de la Commission, Markus Pieper a indiqué, lundi 15 avril au soir, qu'il ne prendrait pas ses fonctions d'envoyé spécial pour les PME. Dans les deux cas, ce sont des nominations problématiques voulues par Ursula von der Leyen. Dans les deux cas, la présidente de la Commission a déclenché une polémique en commettant une erreur d'appréciation.

Elle ne pouvait nommer une citoyenne américaine dans un poste aussi sensible que celui de chef économiste de la DG concurrence, tout comme elle ne peut choisir un député allemand de sa famille politique (la CDU) à moins de deux mois des européennes, alors même qu'il n'était pas le mieux noté et contre l'avis de Thierry Breton, le commissaire de tutelle. Markus Pieper, eurodéputé PPE (les conservateurs européens), a bien compris que ce passage en force ne lui vaudrait rien. Il renonce. La présidence de la Commission précise que le poste ne sera pas pourvu avant les européennes.

« Petite motorisation »

Ce soupçon de favoritisme lui a valu un vote négatif du Parlement européen, jeudi dernier. En effet, 382 élus ont réclamé l'annulation de cette décision. Ursula von der Leyen s'est retranchée derrière « l'autonomie de gestion » de la Commission pour ne pas obtempérer.

Mais était-ce bien prudent de défier un Parlement dont elle aura besoin dans quelques mois pour la confirmer dans son rôle de présidente ? On ne saura jamais si Markus Pieper a réellement renoncé de lui-même ou si des considérations politiques plus larges, au PPE, voire du côté de la CSU à Berlin, l'ont emporté.

À LIRE AUSSI Du Qatargate à l'affaire Zdanoka : un Parlement européen sous influences étrangèresDans l'affaire Scott Morton comme dans l'affaire Pieper, Ursula von der Leyen est tombée sur un os : Thierry Breton. Le commissaire français ne cache plus, depuis des mois, qu'il n'apprécie guère cette présidente allemande. « Une petite motorisation », c'est le mot qui circule chez les Breton boys pour qualifier von der Leyen.

Après le congrès de Bucarest du PPE, où von der Leyen avait été adoubée « Spitzenkandidat » (tête de liste européenne), l'ancien patron d'Atos avait été l'auteur d'un tweet cinglant considérant le faible score obtenu par cette candidate sans rival (400 voix sur 801 délégués). « Est-il possible de (re)confier la gestion de l'Europe au PPE pour cinq ans de plus, soit vingt-cinq ans d'affilée ? » s'interrogeait-il avant de répondre : « Le PPE lui-même ne semble pas croire en sa candidate. »

Un chemin de croix

« À chaque fois, c'est elle qui se tend un piège, remarque-t-on au sein de la Commission. Personne ne l'a forcée à choisir Pieper à deux mois des européennes. C'est comme dans l'affaire des SMS effacés, si elle ne s'était pas vantée dans un journal américain d'avoir elle-même négocié par textos les vaccins Pfizer, personne n'aurait songé à lui en demander la publication. »

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De fait, un large front s'est ouvert depuis. Ursula von der Leyen assure que les SMS ont été effacés et qu'ils ne contiennent pas d'informations à caractère politique. Le New York Times a engagé une action en justice contre la Commission. La médiatrice européenne, Emily O'Reilly, a signalé une « mauvaise gestion administrative ».

Un lobbyiste belge a également saisi la justice européenne. La Hongrie de Viktor Orban dépose plainte. Et voilà que le Parquet européen (EPPO) ouvre également une enquête pour « ingérence dans les fonctions publiques, destruction de SMS, corruption et conflit d'intérêts ».

Les « plans B » se murmurent en coulisses

« Il y a quelques mois encore, compte tenu du contexte avec la guerre en Ukraine, on pensait que von der Leyen serait réélue sans problème à la tête de la Commission. Aujourd'hui, c'est moins certain, » confie un diplomate bruxellois. Le PPE affirme qu'il n'a pas de plan B, mais c'est faux.

Des noms commencent à circuler entre les dirigeants conservateurs. Certains évoquent le Croate Andrej Plenkovic, d'autres, le Grec Kyriakos Mitsotakis. Les deux sont Premiers ministres, les deux ont l'avantage de parler français. Mais il ne faut pas gratter beaucoup pour retomber, chez l'un comme chez l'autre, sur des affaires louches?

À LIRE AUSSI Européennes : pourquoi les LR ne soutiennent pas Ursula von der LeyenObjectivement, tout ce qui affaiblira Ursula von der Leyen d'ici à l'élection européenne sera utilisé comme un levier dans les négociations entre les dirigeants au Conseil, au lendemain des élections européennes. Moins la position de l'Allemande sera forte, plus les pays autres, comme la France et l'Italie ou l'Espagne, trouveront des marges pour lui imposer des choix programmatiques pour les cinq prochaines années et des postes. Le grand jeu de l'oie des « top jobs » a commencé? Et pour Ursula von der Leyen, ce sera un chemin de croix.

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